Si une majorité de la population avait oublié l’urgence climatique durant l’été 2021, la belle saison 2022 a clairement été un brûlant rappel : Sécheresse, incendies, vagues de chaleur étouffantes à répétition… cet avant-goût de notre futur a relancé les nombreux articles sur la nécessité de revoir notre façon de penser la ville et les logements, articles qui se répètent depuis déjà une bonne paire d’années…
Habitant moi-même dans un appartement sous les toits d’un vieil immeuble mal isolé au centre d’une petite ville, j’ai pu expérimenté l’impact des premières canicules sur les logements urbains anciens où les températures peuvent monter très rapidement. Difficile de s’adapter si l’on en a pas les moyens ou sans opter pour la clim polluante, énergivore et elle-même source de chaleur pour l’air extérieur. Mais avec des étés de plus en plus souvent et longtemps soumis à des périodes caniculaires, urbanistes, politiques et citoyens font face à de nouveaux défis qui devront être relevés dans les décennies à venir, principalement dans les villes où l’expansion asphaltée et bétonnée les a rendu sans défense face aux dérèglement climatiques.
Repenser la ville
Qu’est-ce que cela signifie de repenser la ville ?
Urbanisme (définition Larousse): 1. Art, science et technique de l’aménagement des agglomérations humaines. 2. Ensemble des règles et mesures juridiques qui permettent aux pouvoirs publics de contrôler l’affectation et l’utilisation des sols.
Que l’on accepte ou pas l’idée que notre climat est en plein changement ou sans en rechercher les causes, une idée peut faire consensus : nos villes étouffent et ne sont plus adaptées aux changement sociaux et écologiques. Les vieux modèles ont atteint leurs limites et nous bénéficierons tous d’un grand plan de reconfiguration de nos villes.
Si il existe un grand nombre de critères ou d’idées à explorer dans ce sens, lesquels sont finalement tous interconnectés, deux aspects majeurs sont à retenir pour réussir cette mutation : l’aspect écologique et l’aspect social. Cela se traduit par :
- Un urbanisme climatique, ou la nécessité de modifier nos aménagements urbains pour faire face aux vagues de canicules et aux conséquences qui en découlent : orages, grêles et pluies diluviennes, incendies, risques sanitaires…
- Couplé à un urbanisme social pour faire face aux mutations sociologiques, aux flux migratoires, au manque d’espace, aux pénuries énergétiques et à la fracture sociale qui s’intensifie…
Urgence climatique
Dans un rapport publié en 2021, Construction21 France a tenté de retracé en plusieurs points les défis auxquels nous allons devoir faire face et d’apporter des solutions viables afin d’adapter nos villes au changement climatique. Ces différentes propositions et explorations sont découpées en 35 sous-dossiers thématiques partant de l’existant, de ses adaptations possibles et d’exemples jusqu’aux hypothèses du futur de la construction et de l’urbanisme.
Diagnostiquer nos villes
Avant toutes actions il est évident qu’un diagnostic s’impose au cas par cas puisque toutes les villes ne se ressemblent pas ou qu’au sein desdites villes il peut exister de grandes variables entre quartiers. Pour se faire il existe différents outils permettant d’identifier points forts et points faibles avant de lancer les aménagements nécessaires. Parmi ces approches il existe deux grandes typologies : les méthodes par mesures et les modèles, lesquels servent à qualifier et quantifier ce que l’on appelle les ICU ou îlots de chaleur urbains, au travers des évaluations de la température de l’air, des surfaces ou par la création de classes, interprétées comme autant d’indicateurs qualitatifs du climat urbain. Toutefois, si ces outils permettent d’identifier les aléas, ils n’apportent aucune information quant aux aspects de vulnérabilités : comment ces aléas impactent les populations différemment en fonction de leurs caractéristiques sociologiques ou selon les paramètres techniques des bâtiments dans lesquels elles vivent ? Il s’agit donc ensuite de réussir à coupler l’identification des ICU en parallèle avec la fragilité de la population afin d’identifier les zones aux plus gros enjeux et pas uniquement les zones les plus chaudes. Le manque d’interopérabilité entre les différents outils existants rend l’exercice difficile et compliqué. Mais différents acteurs se penchent sur la question, avec notamment U.R.B.S., entreprise alliant entités publiques et privées issue de l’école supérieure des Mines de Saint-Etienne, qui a créé un nouvel outil numérique dénommé SIRIUS, lequel est interopérable avec l’outil IMOPE, premier observatoire opérationnel de l’habitat résidentiel en France. Une affaire à suivre de près puisque le recoupement de ces deux outils devrait permettre d’identifier les zones de priorité et leurs vulnérabilités pour agir de manière personnalisée selon chaque ville et chaque quartier.
Les solutions de rafraichissement urbain
Bien que le sujet du rafraichissement des villes soit une préoccupation nouvelle et par conséquent un domaine de recherches récent, les solutions sont globalement connues et répertoriées par l’ADEME en quatre catégories : les solutions vertes, bleues, grises et douces.
Les solutions vertes
Reposent sur la végétalisation ou la revégétalisation des zones urbaines, ce sont des solutions de rafraîchissement régulièrement utilisées dans les projets d’aménagement urbain. Elles fonctionnent grâce à l’action conjointe de deux phénomènes : l’évapotranspiration et l’ombrage, par exemple :
- via la protection de l’existant (au travers des P.L.U., S.C.O.T…)
- la plantation de végétaux à forte capacité d’évapotranspiration adaptés aux climats locaux et aux changements de ce climat (les outils ARBOclimat et Sesame ont été créés dans ce but par exemple)
- la végétalisation des toits et des murs
- végétalisation des espaces publics (places, parking, écoles…)
- lutter contre la désimperméabilisation des sols
- Repenser l’interface villes-villages- campagnes en créant des ceintures vertes de variétés locales adaptées.
- En prenant en compte les risques liés aux pollens exacerbés par la chaleur (l’augmentation de la production de CO2 dans l’air favorise la photosynthèse ce qui favorise l’augmentation des pollens…)

Les solutions bleues
Conjointes des solutions vertes, celles-ci reposent sur la gestion de l’eau en milieu urbain, principalement l’eau de pluie :
- via la gestion raisonnée des eaux de pluies (bassins de récupération enterrés ou non, toitures terrasses servant de réservoir tampon, jardins de pluie traditionnels ou étanches…)
- l’installation d’îlots aquatiques au coeur des villes (fontaines, marres, aménagement des berges…)
- gérer et protéger les zones humides (documents de planification PLU, SCoT…)
- une meilleure gestion des eaux de pluies couplée à une revégétalisation permettant de lutter contre la désimperméabilisation des sols.
L’eau de pluie, longtemps considérée comme une nuisance, est désormais dans toutes les régions du monde, le nouvel or bleu.
Le réchauffement climatique engendre d’importantes hausses de température dans les zones urbaines, pouvant atteindre 5 à 10°C de plus que dans la campagne environnante.
Les effets du changement climatique peuvent être renforcés par de nombreux facteurs rendant la population plus vulnérable à ces effets : l’âge mais également les caractéristiques de l’habitat puisque des zones urbaines « très minérales » restituent au cours de la nuit la chaleur accumulée dans la journée.
La priorité est désormais d’adapter les villes, les villages, les coeurs de bourgs, en redonnant sa place à la nature et à l’eau dans les espaces publics afin de les rafraîchir, et faire face à ces changements qui impactent la biodiversité mais également la santé et la qualité de vie des habitants.
Agence Régionale de la Biodiversité (Centre Val de Loire)
Les solutions grises
Les solutions grises sont plus variées et touchent principalement aux bâtiments et à la construction :
- via les formes urbaines liées par exemple à la hauteur des bâtiments (des bâtiments trop hauts piègent la chaleur au niveau du sol par exemple, créant des « canyons urbains »),
- à la largeur des rues influençant le climat urbain et local
- les types de revêtements de sols et de toitures….
- l’utilisation de technologies plus écologiques utilisant les éléments (soleil, eau ou vent…via le photovoltaïque, l’hydroélectricité, ou les éoliennes à des échelles plus réduites et adaptées au milieu local) ou le recours à des initiatives low tech.
- la favorisation des constructions/architectures bioclimatiques dans les autorisations d’urbanismes
- allier urbanisme et smartcity pour mieux microgérer …
Quelques exemples d’application :
Au niveau des toitures à une température extérieure de 26°C :
- une toiture foncée peut atteindre jusqu’à 80°C
- une toiture claire atteindra 45°C
- quand une toiture végétalisée n’atteindra que 29°C
De quoi faire réfléchir à des solutions qui ne nécessitent pas forcément une révolution de la construction.
Dans le domaine des revêtements de sols (pour les voies de circulation) La filiale Eiffage Route, très impliquée dans les aménagements urbains, a notamment mis en place un démonstrateur d’îlot de fraîcheur à Hyères dans le Var proposant plusieurs alternatives aux revêtements traditionnels. Le groupe est également créateur du revêtement Bioklair constitué de granulats sélectionnés pour leur teinte claire, et agglomérés par un liant écologique, d’origine majoritairement végétale. « Issu de coproduits de la sylviculture et de l’industrie papetière française, associés à une résine synthétique, ce liant est créditeur en CO2 et s’inscrit dans la stratégie bas carbone d’Eiffage. Le revêtement est conçu pour les voiries urbaines, les voies douces et rues à faible trafic : il trouvera son plein usage sur les places, pistes cyclables et cheminements de mobilités douces. Le revêtement est clair et a donc un fort albédo (pouvoir réfléchissant d’une surface) ce qui le rend particulièrement efficace pour le traitement des îlots de chaleur urbains. Décliné en revêtement perméable, il participe à la désimperméabilisation des sols. Ce nouveau procédé a été lauréat du comité d’innovations routes et rues (CIRR) en 2020« . A noter qu’il est en plus 100% recyclable.
Les solutions douces
Ces solutions font cette fois référence aux changements de comportements des citoyens et aux nouvelles pratiques dans les villes. En effet, nous ne pourrons enclencher de modifications viables à long terme que si les acteurs à tous les niveaux se mobilisent afin de soutenir ces changements.
- gestion de la mobilité (favoriser les transports en communs, le vélo ou la marche)
- changement des comportements (déchets, transports, consommation…)
- adaptation des horaires de travail en périodes de fortes chaleurs
- péages urbains,
- développement des écoquartiers,
- agriculture urbaine….
Mais les français sont-ils prêts à changer ?
Bouygues Construction et l’ADEME, ont soutenu en octobre 2021 la 3ème édition de l’Observatoire des usages et représentations des territoires réalisée par L’ObSoCo et Chronos. Cette année, l’Observatoire s’est penché sur la façon dont les Français redéfinissent leurs besoins en matière de cadre de vie.
Seuls 3% des personnes interrogées affirment ne pas croire au changement climatique et il ne se trouve que 2% des Français pour ne pas se dire inquiets à ce sujet, à l’inverse 70% d’entre elles se disent désormais inquiètes des conséquences potentielles du changement climatique sur la qualité de vie au sein de leur propre région (dont 18% très inquiets). Une inquiétude plus prégnante encore chez les plus jeunes dont un quart se dit très inquiets.
Si la grande question du climat semble donc faire consensus en France reste à savoir jusqu’à quel point nos concitoyens sont prêts à modifier leurs habitudes pour contribuer à leur échelle à lutter contre le dérèglement climatique.
Ainsi, 89% des personnes interrogées par l’Observatoire pensent qu’il conviendrait de modifier nos modes de vie. Un Français sur 5 (20%) appelle même à une modification radicale, 40% estiment que des changements importants doivent être réalisés, et seuls 29% ne prônent que quelques changements. A noter que la radicalité est davantage portée par les plus jeunes (26% des 18-34 ans en appellent à une modification radicale des modes de vie), mais aussi à gauche de l’échiquier politique (38%) et chez les personnes se positionnant proches des écologistes (43%).
Toutefois, malgré toutes ces bonnes intentions certains sujets résistent : par exemple, 1 Français sur 10 n’est pas du tout prêt à manger sensiblement moins de viande, une même proportion n’est pas du tout prête à moins utiliser ses appareils électroniques, 17% ne sont pas du tout prêts à diminuer ou abandonner l’usage de leur voiture personnelle. Ou encore 4 Français sur 10 qui ne sont pas du tout prêts à abandonner l’habitat individuel au profit de l’habitat collectif… Ces chiffres étant certainement à prendre avec des pincettes dû à la pression sociale inconsciente de répondre à ce genre de question de manière « politiquement correcte » au détriment de ses réelles valeurs ou convictions.
Reste que malgré une défiance certaine dans leurs institutions (33% des français se montrent confiants dans la capacité de résilience de leurs territoires face aux conséquences du changement climatique et seulement 3% tout à fait), quant à l’inverse 50% ne le sont pas (et 15% pas du tout)) la grande majorité semble s’entendre sur le fait que c’est de notre gestion future de la ville que viendra la solution : l’importance pour 81% des Français, de l’introduction ou du développement de la nature en ville (dont 36% pour qui c’est très important et 42% des métropolitains). Celle-ci apparaît de fait comme un levier de résilience majeure pour les territoires. Dans ce contexte, 45% des Français se disent intéressés pour participer à des initiatives locales qui leur permettraient de comprendre les enjeux liés au changement climatique et débattre collectivement des vulnérabilités de leur territoire. Ils se montrent également, quoique dans une moindre mesure (39%), prêts à s’engager dans des réflexions visant à hiérarchiser les renoncements nécessaires pour tendre vers une plus grande sobriété de leur territoire.

Il existe donc une réelle volonté des français de changer et ils attendent à présent de leurs élus et institutions les outils pour le faire, mais de manière pédagogique et participative, plutôt que de tomber dans « l’écologie punitive » qui semble être à la mode actuellement, en pénalisant sans expliquer ni offrir de solutions adaptées aux plus fragiles qui logiquement rejettent en bloc ces changements.
Malheureusement, en dehors des solutions pansements pour les symptômes les plus visibles, les politiques ne se sont toujours pas saisi d’un problème qui dépasse notre simple confort urbain pour englober notre anthroposphère toute entière, elle-même soumise aux lois des autres systèmes avec lesquels elle coexiste.
Urbanisme et défis sociaux
Après l’expansion foncière des années 70-80 reposant largement sur une trinité d’intérêts économiques reliant politiques, promoteurs et propriétaires fonciers, la désillusion des décennies suivantes a laissé la place à un amer constat : l’expansion péri-urbaine est un échec social et économique. A défaut d’avoir sur recréer un tissu urbain miroir des centres villes, ces cités dortoirs ont enclavé les plus fragiles ou muré les plus riches dans des tours d’ivoires. Les commerces de proximité n’ont pas résisté aux grandes zones commerciales, les transports en communs n’ont pas réussi à s’intégrer à ces nouveaux modèles urbains et le travail n’a pas migré dans ces nouvelles zones de population mais s’est concentré dans la périphérie des grandes métropoles.
Ce modèle n’est plus tenable ni souhaitable.
Comme le révèlent les résultats de l’Observatoire des usages et représentations des territoires visé précédemment, les français sont en attente de la prise en main des problèmes urbains et climatiques par les acteurs politiques et les professionnels du domaine. De tels changements ne peuvent en effet s’accomplir par la seule volonté d’une poignée d’écologistes motivés puisque interdépendants de nombreux domaines d’expertises.
Si les solutions existent aujourd’hui, elles ne pourront être mise en place que dans le cadre d’un effort collectif à l’échelle des villes, des départements, des régions puis du pays. Redonner le pouvoir aux élus locaux qui connaissent mieux les particularités de leurs territoires pour gérer ces questions difficiles et pour expérimenter, avant de légiférer à l’échelle du pays semble aujourd’hui évident et pourtant contraire aux aspirations des « grandes régions fédérales » souhaitées par l’Europe.
Si des efforts positifs ont été mis en place à l’échelle législative, comme avec le label écoquartiers, la norme RT 2020 ou la modification du diagnostic de performance énergétique, ceux-ci sont pourtant improductifs dans un contexte ou l’accès à des constructions respectant ces nouvelles normes reste limité à un échantillon restreint de la population et où le coût du neuf ou de la rénovation, collectif ou individuel, a explosé en parallèle.
2022 ne sera pas l’année où la démocratisation de ces constructions plus performantes et écologiques pourra éclore. Avec l’explosion des prix des matières premières, le resserrement du marché immobilier et la fermeture du robinet des prêts, les plus fragiles – et donc les plus en besoin de ce type de logements – n’y auront pas ou plus accès.
La nécessité d’augmenter la densité urbaine
En France la densité de population moyenne est de 118,27 habitants au km2 en 2021 pour 67 422 241 habitants. 38% de la population vit dans des communes densément peuplées, lesquelles ne représentent que 2% des communes françaises. Les communes de densité intermédiaire rassemblent 29 % de la population au sein de 10 % des communes françaises. Sur le reste du territoire, 30 775 communes sont rurales (peu denses ou très peu denses) : elles représentent 88 % de l’ensemble des communes de France et 89 % de la superficie du territoire. 29 % de la population française vit dans des communes peu denses et 4 % dans les communes très peu denses (source INSEE et populationdata.net).
Il ressort très nettement de ces chiffres que bien que la France soit un territoire assez peu densément peuplé, la grande majorité de sa population est concentrée dans des zones urbaines de plus forte densité, les milieux ruraux étant souvent en état de mort clinique. Ce n’est donc pas tant une question de place que de répartition, la grande majorité de la population étant concentrée dans les zones urbaines et péri-urbaines, là où se trouvent l’emploi, les commerces et les services.
Même si l’annonce de la fin du pavillon individuel a provoqué un tollé général et une réaction de rejet – le pavillon individuel reste le rêve de milliers de français – il n’en reste pas moins que l’urbanisme de demain ne sera pas celui de la maison individuelle.
Moins polluante à la construction mais beaucoup plus polluante en cours d’existence, la maison individuelle nécessite également des infrastructures coûteuses et énergivores pour la collectivité (voies de circulation, transports en commun, gestion des déchets, extension des réseaux secs et humides…). Elle enferme ses habitants dans des cités dortoirs avec pour seul futur un endettement sur 25 ans et la dépendance à la voiture et à l’essence, sans compter les terres, forêts ou vergers que l’on rase pour y construire tous ces lotissements.
Si nous voulons pouvoir faire face aux défis d’aujourd’hui, l’habitat collectif doit être repensé afin d’éviter les écueils des cages à lapins des années 60 à 80 déjà inadaptées à cette époque et encore plus aujourd’hui face à une population qui a changé : familles monoparentales, vieillissement de la population, personnes handicapées, actifs et retraités, jeunes… c’est seulement en partant du point de vue des besoins des personnes pour lesquelles on construit que l’on pourra permettre une densification urbaine plus importante sans sacrifier la qualité de vie et l’espace nécessaire à l’épanouissement de tout un chacun.
Ce renouveau ne pourra se faire qu’avec la participation collective des citoyens, des élus, des financeurs et des constructeurs afin de ne pas voir ces nouveaux logements finirent en ghettos pour ceux qui n’auront pas le choix.
La densité urbaine doit permettre ensuite d’adapter les nouvelles mobilités (transports en commun plus efficaces et rentables, trajets courts favorisés) et initiatives locales, en permettant une mixité entre habitation, commerces, tissu associatif et producteurs, que ce soit dans les zones très urbaines ou rurales, et surtout en adaptant ces nouveaux quartiers à leur environnement direct : arbres, rivières ou points d’eaux, zones agricoles ou industrielles…
Un point sur les écoquartiers
En 2008 naissait la démarche des « écoquartiers » avec la publication en 2012 d’un référentiel (actualisé en 2020) et la labellisation un an après. En 2016, année de renouvellement du label on recensait 39 écoquartiers labellisés sur le territoire, en 2021 ce sont plus de 500 quartiers engagés dans la démarche ou labellisés.
Mais à quels critères ces écoquartiers doivent-ils répondre ?
Le référentiel écoquartiers créé en 2012 est bâti sur une charte de 20 engagements répartis en 4 dimensions :
- démarches et processus (gouvernance)
- cadre de vie et usages (pilier social)
- développement territorial (pilier économique)
- environnement et climat (pilier écologique)
Le référentiel correspond à une grille de questions que tout porteur de projet ou aménageur doit se poser dès le départ s’il projette de construire un ÉcoQuartier. L’objectif est de garantir la qualité des projets sur un socle commun d’exigences fondamentales, et ce quels que soient le territoire sur lequel ils sont implantés et leur échelle. La démarche est ainsi adaptable à tout type de ville ou village, à tous les contextes (urbain ou rural), à toutes les histoires, à toutes les cultures, et à tous les stades d’avancement du projet.
Le référentiel de labellisation laisse entièrement ouvert le choix des solutions à employer : l’objectif est d’inciter à la réalisation d’aménagements qui répondent aux besoins des territoires et d’appréhender une démarche progressive vers la ville durable.
Site officiel du ministère de la transition écologique
La dimension sociale doit répondre aux critères suivants :
- Travailler en priorité sur la ville existante et proposer une densité adaptée pour lutter contre l’artificialisation des sols,
- Mettre en œuvre les conditions du vivre-ensemble et de la solidarité,
- Mettre en œuvre un urbanisme favorable a la santé pour assurer un cadre de vie sûr et sain,
- Mettre en œuvre une qualité de cadre de vie qui concilie intensité, bien vivre ensemble et qualité de l’environnement,
- Valoriser le patrimoine naturel et bâti, l’histoire et l’identité du site.
La dimension écologique doit quant à elle se soumettre aux critères suivants :
- Proposer un urbanisme permettant d’anticiper et de s’adapter au changement climatique et aux risques,
- Viser la sobriété énergétique, la baisse des émissions de CO2 et la diversification des sources au profit des énergies renouvelables et de récupération,
- Limiter la production des déchets, développer et consolider des filières de valorisation et de recyclage dans une logique d’économie circulaire,
- Préserver la ressource en eau et en assurer une gestion qualitative et économe,
- Préserver, restaurer et valoriser la biodiversité, les sols et les milieux naturels.
Le label est divisé en 4 sous-catégories, quatre axes qui structurent la labellisation du projet en étape 4 :
- Axe 1 – l’évaluation des objectifs prioritaires du projet : les objectifs principaux du projet ont-ils été atteints ?
- Axe 2 – le retour des habitants et des usagers : comment les habitants se sont-ils appropriés le projet ?
- Axe 3 – le retour des gestionnaires du quartier : comment les gestionnaires appréhendent-il le projet après trois ans de fonctionnement ?
- Axe 4 – l’effet levier du projet : les enseignements de ce projet ont-ils fait évoluer la manière de concevoir les projets d’aménagement sur le territoire ? Ont-ils inspiré d’autres territoires ?
En 2021 seuls 14 écoquartiers étaient labellisés étape 4 et 74 en étape 3, à noter qu’il existe également un peu partout des écoquartiers qui ne sont pas inscrits dans le processus de labellisation (non signataires de la charte).

Le bilan des écoquartiers
Si le bilan général semble positif, la démarche étant encore relativement « jeune » il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour juger de l’impact à long terme de ces quartiers sur leur environnement. Se dégage tout de même quatre tendances clés :
- la démarche reste encore majoritairement urbaine,
- la question de la technique (performance énergétique, qualité des bâtiments) semble à présent maîtrisée après les écueils des premiers écoquartiers,
- les nouveaux écoquartiers sont beaucoup mieux intégrés à la ville,
- la question de la participation des habitants à la création de ces quartiers : si elle est prévue sur le papier est encore beaucoup trop peu utilisée dans la pratique.
Combien ça coûte ?
Si certaines études jugent le prix à l’achat dans un écoquartier moins chers voire beaucoup moins, par rapport à l’offre proposée dans l’environnement proche, la création récente du label et la grande diversité de type d’habitat rendent difficile une évaluation fiable des prix à l’achat. En effet, que l’on soit dans une démarche de logements sociaux, adaptés aux séniors, prévus pour de la location ou de l’accession uniquement, cela va inévitablement influer sur le prix au m2. A fortiori, la visibilité demeure également réduite sur une éventuelle plus-value à la revente. Comme dans un quartier classique, des critères tels que la qualité de l’emplacement et des services (commerces, écoles, transports) feront toujours la différence, ainsi que la souvent inévitable moins-value du neuf si l’on doit revendre rapidement après l’achat.
Pour donner une idée dans ma région il faut compter à Besançon en moyenne 287000,00 € pour un T4 de 73 m2, le T5 passant rapidement à 450000,00 € pour 138 m2…. du côté de la location pour des logements locatifs réservés aux séniors dans la Ville d’Audincourt c’est 450,00 € pour un T2 (50 m2) et 550,00 € pour un T3 (63 m2) avec plafond de ressources limité à 19000€ pour une personne seule et 26000€ pour un couple. On voit tout de suite la différence en fonction de la nature et de l’usage prévu pour les différents type d’écoquartiers…
L’accès à la propriété dans ce genre de quartier n’est donc pas encore pour tout le monde.
Le label est-il fiable ?
Soumis à l’évaluation du bon respect des critères par des experts, beaucoup jugent toutefois la démarche insuffisante pour garantir la qualité d’un projet et de facto la fiabilité du label.
Alain Bornarel, fondateur du bureau d’études Tribu et membre du conseil d’administration de l’Institut pour la conception écoresponsable du bâti (ICEB), répondait dans une interview de 2020 : « Il existe aujourd’hui des opérations remarquables, mais le label est souvent de l’affichage, et certains projets sont juste du verdissement. Pas mal d’écoquartiers sont construits sur de magnifiques terres agricoles. De même, il ne suffit pas de prévoir quelques logements aidés pour qu’il y ait de la mixité sociale, ou de planter beaucoup d’arbres pour qu’il y ait de la biodiversité. »
Attention donc au greenwashing et au manque de recul sur certains projets pour savoir si l’écoquartier a réellement une dimension écologique et sociale à durabilité forte. L’évaluation du respect des critères restant somme toute peu contraignante une fois le projet lancé sous l’étiquette « écoquartier » il conviendra de bien se renseigner au préalable, notamment auprès des CAUE (Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) qui existent au niveau des départements, de ce qui se pratique déjà dans la commune et sur le projet lui-même.
Les changements de comportements
Comme indiqué par l’ADEME le renouvellement de l’urbanisme doit aussi passer par les solutions dites « douces », c’est à dire par vous et moi qui devons modifier nos comportements.
Toutefois il ne suffit pas de dire « prenez les transports en commun » à une personne dont le quartier ou le village est mal desservi ou si elle a peur de s’y faire agresser. Le sujet est souvent bien plus complexe qu’une simple question de choix écologique, et les défis urbains incluent également la prise en compte des problématiques sociales sous-jacentes.
Mais il existe toutefois des comportements qui peuvent être facilement changés car ne dépendant que de notre seule volonté. Le recyclage ou le tri par exemple n’est toujours pas un réflexe pour bien des gens qui considèrent qu’ils payent déjà suffisamment d’impôts pour ne pas avoir à faire le boulot de la Ville ou qui n’en ont simplement rien à faire, alors même que les communes ont fait sur ce point de gros efforts de proximité des points de tri. S’éduquer et éduquer nos enfants à respecter leur environnement en prenant conscience de la gestion de nos déchets, même si cela peut être frustrant de voir une montagne de saletés gisant au sol à un mètre d’une poubelle au point d’être découragé dans ses efforts … Les contraintes en copropriété peuvent aussi être des freins à bien des initiatives, du fait de la frilosité des autres copropriétaires ou du coût, mais peuvent parfois se révéler rentables à moyen terme avec l’aide de subventions ou d’accord avec les mairies (compostage commun, installation de panneaux solaires…)
Bref vivre en société c’est parfois la m****, mais quand on se prendra la vague qui arrive, plutôt que sur notre talent de survivaliste improvisé dans le bois d’à côté, c’est bien sur notre capacité à nous organiser ensemble que dépendra notre résilience, et c’est dans ce sens que la ville de demain doit être pensée. Il appartient donc également à chacun d’entre nous de se saisir du problème sans attendre nécessairement sur les politiques ou le législateur qui aura tendance à partir de la contrainte généralisée plutôt que de l’expérimentation personnalisée en fonction de la région ou de la ville.
Des idées d’initiatives originales
Parce que tout n’est pas que noir et apocalyptique et qu’il faut reconnaître à l’humanité sa grande capacité à rebondir et imaginer, voici quelques initiatives originales mises en place à l’essai un peu partout dans le monde.
A Londres Une pompe à chaleur installée dans les tunnels de la Northern Line permet de collecter l’air chaud pour offrir un chauffage moins cher et plus vert aux habitants des quartiers à proximité en hiver. Un système qui permet également une meilleure ventilation du métro en été, pour assurer un air plus respirable et moins pollué aux usagers.
Aux Pays-Bas la ville d’Utrecht végétalise le toit de ses abris bus avec trois objectifs bien spécifiques : d’abord offrir aux abeilles de quoi butiner, puis rafraîchir l’atmosphère et enfin améliorer la qualité de l’air.
En projet à Amsterdam : L’idée, qui est actuellement au stade de concept, repose sur les parkings à vélos, et sur l’installation de roues avant particulières ayant la capacité de stocker l’énergie produite par les coups de pédales dans une batterie. Une fois que vous avez fini de pédaler, il vous suffit de glisser la roue du vélo dans le dispositif pour connecter la batterie. L’énergie va ainsi se libérer pour être utilisée par la ville ou au réseau de consommation du quartier pour la vie quotidienne.
Au Mexique un arbre artificiel conçu par la société BioMiTech va absorber la pollution, grâce à des algues situées à l’intérieur, qui lui permettront de purifier l’air que nous respirons en s’inspirant du principe de la photosynthèse.
En Corée du Sud, la ville de Séoul a transformé une bande d’autoroute à l’abandon en promenade végétalisée.
L’exemple du village de Langouët en Bretagne devenu véritable laboratoire écologique teste ainsi tous types d’initiatives allant de la construction d’habitats durables aux solutions de transport toujours plus écologiques.
La ville de Lahti en Finlande a quant à elle tout misé sur l’économie circulaire avec entre autre des bières locales qui réutilisent les déchets. Le « Wasted Potential » est brassé avec des herbes sauvages, des déchets alimentaires locaux, comme du pain, des baies et des fruits – et même de la fiente d’oie, cette dernière provennant des parcs dans lesquels les oies habitent.
A Auch dans le Gers, l’éco-pâturage est à l’essai avec l’entretien des espaces verts effectué par des moutons, à Toulouse on dératise avec des furets, à Montréal au Canada on cultive des vignes sur les toits des immeubles, le Parc du Chemin de l’Ile à Nanterre conjugue accueil du public, décor urbain et utilité écologique avec le traitement des eaux usées.. autant d’idées et d’initiatives à l’essai un peu partout dans le monde dont on peut s’inspirer pour trouver chez soi des solutions à différents problèmes locaux. Si prises une par une toutes ces solutions ne règleront pas les problèmes mondiaux, elles peuvent servir de point de départ à un véritable changement dans notre façon de vivre, d’occuper l’espace et surtout de l’habiter…