Le milieu de l’été marque traditionnellement la célébration des premières moissons par le biais de festivités, jeux et rituels. Sa représentation la plus connue se retrouve dans le sabbat celte de Lughnasadh dédié à la divinité Lugh (ou Lug), vous le connaissez peut-être aussi sous le nom de Lammas (vieil anglais signifiant « messe du pain »), cette fête anglo-saxonne ayant plus ou moins fusionnée avec l’ancienne tradition celte.
Un peu d’histoire
Fête résolument agraire elle se situe à équidistance du solstice d’été (Litha) et de l’équinoxe d’automne (Mabon) et a pour but de s’attirer les faveurs divines pour les récoltes futures, la santé du bétail ou encore la clémence de l’hiver à venir. C’est un temps de récompense pour le travail accompli et la persévérance dont nous avons fait preuve.
Lugh est une divinité celte un peu obscure aux multiples casquettes. Pour les gaulois il était le Lamhfhada (= aux longs bras), car il avait le pouvoir de frapper à distance, et le Samildanach (= le polytechnicien), car il était l’inventeur et le praticien de tous les arts, pour les irlandais il était le dieu des compétences humaines, des rois et le patron des héros, étant lui-même le Roi des Tuatha Dé Danaan, une race d’êtres divins qui peut se traduire par le « Peuple de la Déesse Danu ». Danu étant une déesse associée principalement à l’eau mais aussi à la terre, à la fertilité et à la victoire. Après les invasions romaines, Lugh a été identifié au dieu Mercure.
A notre époque moderne Lugh est perçu comme un dieu solaire des moissons, mais nous pouvons supposer qu’à l’origine, si il était célébré à cette période, c’est sans doute parce qu’il incarnait l’ensemble des compétences humaines, dont celles nécessaires au dur travail de la terre qui permettait la récolte, et parce qu’il était le Roi d’un peuple associé aux éléments principaux de la vie agricole : l’eau, la terre et la fertilité.
La tradition de Lughnasadh que nous connaissons aujourd’hui a été largement influencée par les traditions anglo-saxonnes et chrétiennes qui se sont mélangées aux anciennes coutumes celtiques et il est difficile de savoir ce que nos ancêtres faisaient vraiment à cette période, les traditions celtes étant majoritairement transmises oralement. Ont toutefois perduré les symboles de fertilité au travers des moissons et des unions, de partage au travers des festins et des jeux et de spiritualités au travers des rituels de protection et de remerciements.
D’un point de vue spirituel, pour les néo-païens qui vénèrent la Déesse et le Dieu, Lughnasadh marque également le temps des récoltes symbolisé par le Dieu qui se prépare à être sacrifié. Son sang et son corps sont dispersé sur la Terre afin d’en assurer la fertilité. Le Dieu va alors entamer son voyage vers le Royaume des Ombres où il combattra l’Homme Noir pour prendre sa place à Mabon. Ce sabbat incarne la fertilité mais également la fatigue, le début de la fin : les nuits s’allongent et l’été s’en va doucement. La roue tourne, elle donne et reprend car sans la mort il ne peut y avoir de vie.
Rituels & Célébrations
Lughnasadh se célèbre traditionnellement du 31 juillet au soir jusqu’au lever du soleil le 1er août, on peut également choisir de le célébrer à sa date astrologique qui coïncide avec le moment où le soleil atteint 15° du Lion (soit le 7 août pour 2022). Toutefois, les festivités peuvent durer plusieurs jours et il est largement accepté que sa célébration dure jusqu’à une semaine.
Lughnasadh est à la fois une fête, un rituel de remerciement à la Terre et une ode au partage, la moisson n’étant possible qu’avec l’entraide et le travail de toute une communauté.
Se tenaient alors de grands festin, des jeux compétitifs pour tous les âges et tous les sexes, des feux de joie et des offrandes. Encore aujourd’hui ces célébrations ont perduré sous la forme de grandes foires ou de fêtes de villages.
C’était le bon moment pour renouveler les protections magiques et pratiquer toutes sortes de rituels pour garantir de mettre toutes les chances de son côté : on posait des croix de sorbier au-dessus des portes, on peignait de goudron les oreilles et la queue du bétail pour garantir leur santé, ou on liait des fils bleus ou rouges à la queue des vaches en prononçant des charmes magiques sur leurs pis pour garantir une abondance de lait.
Lors de cette fête on pratiquait mariages et unions à l’essai durant lesquelles les jeunes gens s’engageaient dans une union qui devait durer un an et un jour. Si au bout de cette période d’essai un enfant était né, ou les tourtereaux souhaitaient poursuivre leur union, alors le vrai mariage était célébré. Sa représentation la plus connue est le « handfasting » (ou rituel des rubans) probablement originaire d’Ecosse qui le pratiquait aussi pour les partenariats professionnels. Il est aujourd’hui largement repris par la Wicca et les néo-païens qui l’utilisent pour pratiquer leurs mariages.
Ses principaux symboles actuels sont le blé et le pain et son élément est le feu, même si personnellement j’ajouterai également l’élément eau en lien avec la Déesse Danu, les festivités celtes prenant place traditionnellement à proximité d’un point d’eau (rivière, lac, étang, ruisseau…) à cette période.
Si l’on a oublié que nos fêtes et foires de villages se tiennent à certaines périodes de l’année pour des raisons bien plus anciennes que les seuls congés ou week-end, il n’en demeure pas moins que certaines traditions ont perduré au travers des générations, ne serait-ce que parce que le monde agricole modernisé reste soumis à certaines règles immuables et que la majorité des traditions sont liées à la nature à laquelle nos ancêtres étaient entièrement soumis. Alors comment, dans nos mondes bétonnés et climatisés pouvons-nous retrouver un peu de ce lien que nous avions avec la nature et la rythme des saisons ?
Intégrer Lughnasadh à notre vie moderne
Que vous soyez ou non déjà en vacances, l’été est un temps propice au ralentissement : apéro en terrasse, barbecue en famille, bouquiner dehors une fois la chaleur moins forte… même si la vie moderne n’a que faire de la chaleur qui nous engourdi et nous fatigue, nous profitons inconsciemment de ce répit saisonnier pour prendre un peu plus le temps de faire les choses, pour passer des moments en famille ou revoir des proches éloignés.
Lughnasadh étant l’une des trois fêtes liées à la moisson elle n’a pas vraiment de spécificité, si ce n’est qu’elle marque le début, la première récolte (Mabon marque la seconde et Samhain la dernière), celle qui va finalement donner le ton de l’année : sera t’elle bonne ? suffisante ?
Notre vie moderne est conçue pour que nous nous sentions le plus indépendant possible de notre environnement naturel, mais c’est une illusion. Quoique nous fassions, notre capacité à trouver nos produits préférés au supermarché va dépendre quelque part dans le monde d’une récolte et de son approvisionnement (comme la crise Ukrainienne nous l’a si bien rappelé). Lughnasadh est l’occasion de se poser un instant et d’être reconnaissant de la chance que nous avons de ne plus avoir à lutter pour notre nourriture.
C’est le temps de la gratitude et du partage qui peut s’exprimer au travers d’une autre idée de festivité moderne où les communautés sont forcément plus réduites : un pique-nique en famille, un resto entre amis, des jeux en extérieur, une randonnée, un feu allumé dans un brasero, un repas aux chandelles… Tout réside finalement dans l’idée de rompre et partager le pain ensemble pour une pause bien méritée après le dur labeur de l’année écoulée, de s’affronter amicalement dans des jeux compétitifs (mise en scène ancestrale des combats des Dieux Anciens), tout en ayant une pensée de gratitude et d’humilité pour les bienfaits de la nature dont nous profitons chaque jour.
Pourquoi ne pas aussi en profiter pour vous engager pleinement envers votre partenaire pour un an et un jour et faire le bilan ensuite. Vous pouvez pratiquer le handfasting qui symbolise littéralement votre partenariat en liant vos mains avec des rubans de couleurs devant témoins. Considéré comme un engagement à haute valeur morale et honorable, il n’est pas à briser à la légère. Un premier pas vers la vie à deux peut-être ?

HANDFASTING
Choisir ensemble les trois rubans de couleur qui lieront les mains et dont la couleur symbolisera les attentes pour la relation.
Symbolisme de la couleurs des rubans :
ROUGE : passion et force
JAUNE : joie et charme
BLEU : fidélité et sincérité
BLANC : pureté et paix
MARRON : acquisition et foyer
ORANGE : bonté et abondance
VERT : santé et prospérité
VIOLET : piété et dévotion
ROSE : romantisme et douceur
OR : richesse et longévité
Ou carrément opter pour ce mode de mariage néo-païen à la symbolique très forte.
Pour les plus spirituels Lughnasadh est un bon moment pour recharger ses sorts de protection, ses pierres ou charger des sigils. Comme tous les sabbats c’est également une période propice à toutes les formes de divination sur l’année à venir, principalement celle du temps qu’il fera cet hiver. Et pourquoi pas ne pas en profiter pour essayer de faire votre propre pain ou tenter des recettes de sorcellerie verte.
Les objectifs magiques et spirituels seront principalement la gratitude, l’abondance, la force et la protection et les dieux concernés seront logiquement en priorité Lugh et Danu. En terme de correspondances on recherchera tout ce qui a trait ou rappelle la force solaire : l’élément feu, les couleurs jaune ou doré, la citrine ou la topaze, l’or, les tournesols, le maïs, le blé… Les animaux totems principaux seront le cerf et le lion et l’on n’oubliera pas de boire du vin, du cidre ou de l’hydromel, de danser et de chanter très fort pour que même les dieux nous entendent.
A cheval entre Litha qui symbolise le début de l’été et Mabon qui symbolise la seconde récolte et le début de l’automne, Lughnasadh est une célébration de la vie à pleine maturité, prête à être cueillie et partagée avant la période sombre qui approche déjà.