A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles nous apprend t’on dès notre plus jeune âge. La crise sanitaire que nous avons vécue ces derniers mois a forcé entreprises, salariés et managers à s’adapter, à s’organiser dans l’urgence et à faire appel à des ressources insoupçonnées.
Le télétravail fut l’une de ces mesures.
En catastrophe des entreprises plus ou moins prêtes ont dû étendre ce mode de travail plutôt boudé en France à la majorité de leurs salariés. Evidemment il y a eu des couacs, les services dédiés n’étaient pas forcément préparé à cet afflux massif de nouveaux télétravailleurs, les entreprises ne disposaient pas nécessairement des logiciels ou du matériel informatique adaptés et les salariés pouvaient être totalement novices de ce mode de travail qui demande tout de même une sacrée organisation. La transition s’est donc souvent faite dans la douleur.
Découverte et entrée en matière
Je ne peux évidemment parler que de ma propre expérience qui fut – à ses débuts – à la limite du tragicomique. Entre hiérarchie larguée qui n’avait rien vu venir malgré les signes d’alertes flagrants, matériel préhistorique, serveurs saturés, codes d’accès impossibles à obtenir ou qui ne fonctionnaient pas, je n’ai pu télétravailler qu’au bout d’une quinzaine de jour.
Une fois les choses à peu près fonctionnelles il a encore fallu adapter mon environnement, trouver un endroit où installer mon bazar, ce qui, dans un logement typé loft, peut être assez problématique puisque je n’ai pas de pièce adaptée qui soit isolée ou au calme. C’est donc sur la table basse de mon séjour que trône encore mon pc de travail et l’ensemble de mes dossiers que je range le vendredi soir pour tout remettre le lundi matin.
En bonne élève j’ai ensuite essayé d’appliquer toutes les règles de base de cette méthode de travail particulière :
- Se tenir à un emploi du temps et fixer des horaires de travail
- S’installer dans un endroit calme dédié à son travail
- Se préparer tous les jours comme si on allait travailler à l’extérieur
- Maintenir le contact avec le bureau/son manager/ ses collègues
- Savoir déconnecter et ne pas déborder
Sur le papier ces quelques règles ne semblent pas très compliquées à mettre en place, sauf peut-être pour la règle concernant la pièce dédiée au travail qui était grillée de base dans mon cas. Reste que nous n’étions pas vraiment dans une situation habituelle et qu’il fallait en plus du travail gérer les enfants, la vie familiale et son couple.

Il a donc fallu jongler entre différents impératifs, réconcilier plusieurs univers jusque là bien sagement cloisonnés. Entre la petite dernière qui débarque toutes les 5 minutes pour moucharder son frère, le chien qui veut squatter vos genoux, le mari qui ne sait pas faire la sauce salade, votre patron qui appelle un peu quand il veut et débarque le soir à 20h apporter un nouveau dossier « urgent » ou encore whatsapp qui ding toutes les 2 minutes parce que les collègues utilisent le groupe de discussion pour partager les photos de leurs chiens et les GIF humoristiques à toutes heures… cahin-caha le rythme s’est mis en place et les limites ont fini par s’imposer lentement mais sûrement.
Retour d’expérience en mode confinement
Aujourd’hui, plus de deux mois après le début du confinement et du télétravail nous avons réussi à instaurer un rythme quotidien plutôt bien organisé et fonctionnel. Il y a eu quelques couac – comme l’organisation et la surveillance des devoirs scolaires – et quelques frayeurs – comme cette fois où j’ai reçu un sms de mon patron m’indiquant qu’il arrivait dans 5 minutes alors que j’étais en pleine séance de câlins avec ma velue moitié. Le confinement a permis au télétravail une intrusion intimiste qu’il n’a pas dans une situation de fonctionnement normale, enfin j’imagine.
Cette expérience au final assez chaotique m’a toutefois permis de prendre conscience de plusieurs choses :
- Moi, mon couple et ma famille pouvons nous adapter
- Le télétravail fonctionne; même très bien (merci internet)
- Quand il n’y a pas d’autres options les clients s’adaptent très bien
- J’ai étonnement beaucoup aimé concilier ainsi ma vie personnelle et professionnelle
- J’aimerai poursuivre l’expérience en situation normale
Cette conclusion fut assez étonnante pour moi qui ne m’étais jamais imaginée comme quelqu’un « restant à la maison », ayant plutôt besoin de ces déconnexions quotidiennes avec ma vie personnelle grâce au travail. Mais j’ai pu constater que le télétravail m’apportait une solution clef en main à ma volonté de travailler tout en maintenant une présence et un investissement appréciable pour ma vie personnelle.
Je ne me suis pas « trouvée » pendant ce confinement, ni n’ai réussi à faire toutes ces choses que l’on pense vouloir ou avoir le temps de faire en ayant plus de temps libres. Je ne suis pas différente, j’ai juste eu l’opportunité de tester un rythme de vie alternatif qui m’a finalement beaucoup plu.
Le télétravail un choix de vie / un choix de management
On ne connait pas avec certitude le pourcentage de télétravailleurs en France. Ce chiffre varie entre 8 % et 17,7% selon les sources. Le taux moyen en matière de télétravail affiché par l’Europe est d’environ 20% voire 30 à 35 % dans les pays du nord de l’Europe.
Observatoire du télétravail français
De manière plus objective je dirai que le télétravail ne peut fonctionner qu’à deux conditions : l’employé y trouve un équilibre satisfaisant et l’employeur accepte les changements que cela implique.
Beaucoup d’encre a coulé sur ce sujet, que ce soit avant ou pendant le confinement, la plupart du temps pour donner les conseils de base que j’ai pu appliquer avec plus ou moins de succès ou pour expliquer en long en large et en travers que cette période particulière demandait aux managers de la flexibilité et de la compréhension, autant qu’aux employés, particulièrement ceux qui avaient des enfants.
Mais ce conseil ne doit pas s’appliquer juste parce que c’était le confinement, il va de paire avec le télétravail.
Compte tenu du peu d’engouement pour cette méthode de travail en France, j’imagine que ceux qui y ont recours ont une bonne raison : contrainte familiale, médicale ou géographique, vie personnelle bien remplie ou compliquée ou simple choix de vie, mais même si ce n’est pas le cas il n’est de toute façon pas possible de télétravailler comme on travail au bureau.
Les contraintes sont différentes, les objectifs aussi. Il est donc essentiel que la hiérarchie en ai conscience, l’accepte et que lesdits objectifs soient clairement définis avec l’employé avant de commencer. Des objectifs réalisables. Ceci explique sans doute la crainte de ce mode de travail dans l’hexagone, paralysé par son management pyramidal et son flicage instinctif des employés : comment surveiller quelqu’un qui travaille chez lui ?
Panique au sommet, un employé en roue libre !
Il est certain que ce mode de travail n’est pas forcément adapté à tous et à tous les métiers, mais il est clairement un outil qui peut se révéler très utile afin d’adapter le marché du travail aux nouvelles contraintes et aux nouveaux désirs des employés, à condition toutefois qu’il ne se transforme pas en une aliénation de l’individu jusqu’à son domicile.
La part sombre du télétravail
Pression, flicage, objectifs irréalisables, visio intempestives, déconnexion impossible….
Cependant, de nombreux freins s’opposent encore au déploiement du télétravail en France. Parmi les résistances classiques au changement, on relève la crainte du salarié d’être moins visible de sa hiérarchie et, parallèlement, l’inquiétude de l’employeur sur l’effectivité des tâches réalisées par le salarié absent physiquement
Observatoire du télétravail français
Une façon enjolivée d’aborder les dérives de ce mode de travail qui fiche une trouille bleue aux employeurs qui se transforment en espions et vous font culpabiliser comme si le télétravail était un cadeau que l’on vous fait, et peut, à l’inverse, rendre un employé sans doute motivé au départ, totalement improductif si il prend son nouveau mode de travail pour des vacances à la carte ou se laisse bouffer par sa vie personnelle.
Le télétravailleur doit être un salarié comme les autres et jugé sur ses objectifs réalisés et non pas sur sa visibilité.
Dans le même temps, en situation de vie familiale ou de couple, le télétravailleur, si il n’y en a qu’un, doit pouvoir compter sur le soutien de ses proches. Ce n’est pas parce que vous travaillez à votre domicile que vous devez avoir en plus le poids de toute la charge mentale.
Non, ce n’est pas parce que vous travailler chez vous que vous devez systématiquement vous occuper de l’école, des enfants, des courses et du ménage. Vous travaillez, vous avez le droit de ne pas avoir le temps de gérer plus que ce que vous pouviez gérer avant le télétravail.
Le choix du télétravail doit être, au même titre qu’avec votre employeur, clairement discuté et organisé avec votre conjoint(e), au risque de vous laisser culpabiliser, noyer et dévaloriser. Un cocktail explosif, aussi bien pour la vie personnelle que professionnelle.
Finalement, aliénation ou évolution, cela dépendra entièrement du facteur humain qui reste le pivot de ce mode de travail alternatif, un facteur malheureusement parfois un peu trop oublié et étouffé par les contraintes personnelles, managériales et économiques, et c’est bien dommage tant le télétravail pourrait être une solution idéale pour nombre de salariés.
J’en retire en tout cas un bilan plutôt positif à court terme, malgré les déboires techniques et managériaux des débuts. Reste que cette situation exceptionnelle a sans doute légèrement faussé mes retours puisqu’en situation normale je ne saurai dire si mon employeur se montrerait aussi souple ou si je parviendrai à maintenir une organisation aussi bien huilée sans les contraintes liées au confinement qui apportaient somme toute une motivation suffisante. Une affaire à suivre donc…
Comme tu dis, le télétravail, c’est bien, mais ça ne convient pas à tous. Cependant, c’est intéressant de voir qu’il est possible d’adapter le travail au travailleur, après des années passées à adapter le travailleur au travail. ^^
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J’irai même plus loin que la simple possibilité, je pense que c’est la nature du télétravail d’être adapté au travailleur et pas l’inverse ! Mais il y a encore du chemin à parcourir ….
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