La sorcellerie est en vogue. Surfant sur la vague green et healthy, la sorcière moderne se dévoile sur instagram, partage et instruit sur youtube, envahi les blogs.
La sorcière du 21ème siècle mange bio, fait du yoga, prend en photo son autel et partage ses secrets avec sa communauté. Elle est féministe, païenne, wicca, druide ou éclectique. Elle est décomplexée et elle consomme… beaucoup !
La sorcière décomplexée
Si vous vous intéressez un peu au sujet et que vous commencez votre initiation sur internet, vous vous rendrez vite compte qu’il existe pléthore de courants, de styles, de façon de faire et de voir, de traditions et d’enseignements.
Une chose reste toutefois similaire un peu partout sur la toile et les réseaux sociaux : la sorcière moderne est décomplexée. Elle n’a pas peur de se montrer, d’assumer sa spiritualité, de partager ses trucs et astuces, voir d’en faire un business.
Enfin, sur le papier en tout cas, parce qu’une fois sorti du miroir déformant des réseaux, partager sa spiritualité ou ses croyances avec sa famille ou ses collègues de boulot c’est de suite plus délicat.
Alors on partage plutôt avec sa communauté et ses proches, ou on vit par procuration au travers des rituels pratiqués en live sur igtv ou youtube. On trempe un doigt de pied timide dans cet univers étrange en achetant des bougies et un peu d’encens, en postant des photos de plantouilles ou de la pleine lune.
« Sorcière » n’est – dans tous les cas – plus un gros mot. C’est un mantra, un signe de reconnaissance, un symbole féministe qui unit et renforce. Loin des inquisitions et des traques du passé, la sorcellerie est devenue acceptable, c’est un label à l’instar du bio et du vegan, c’est vendeur, c’est instagramable.
La sorcière spirituelle
Bien que vous ne verrez peu ou pas ce mot utilisé, la sorcellerie est une religion. Vous ne pouvez pas sérieusement pratiquer sans y croire. En quoi ? c’est là que les courants divergent. Mais que vous croyiez en l’univers, aux énergies, aux esprits, aux anges ou aux anciens dieux païens, vous croyez.
La wicca, représentante la plus connue de la sorcellerie moderne, est une religion et fut baptisée comme telle par son créateur Gérald Gardner. Mais aujourd’hui, il semble plus correct de parler de spiritualité que de religion, puisque beaucoup de sorcières modernes ont une démarche individuelle et n’évoluent pas en convent ou en ordre. C’est aussi cet individualisme qui – ironiquement – a pu permettre l’émancipation et l’évolution de la sorcellerie moderne.
Vous pourrez même lire que vous n’avez pas besoin de croire pour pratiquer. Ce qui me semble totalement vide de sens, mais sans doute plus marketing que de reconnaître la dimension spirituelle et religieuse de la sorcellerie.
Il existe donc des courants beaucoup plus pragmatiques qui se basent plutôt sur une redécouverte de nos racines et des pratiques de nos ancêtres, au travers de la botanique par exemple, en réintégrant l’usage des plantes brutes pour soigner les petits maux et les bobos ou pour les cosmétiques. La tisane verveine-menthe maison devient une potion et le cataplasme en miel de la magie.
La sorcière écolo
Il semble logique, voir même obligatoire d’être écolo pour être une sorcière moderne.
Le respect de la nature, de ses cycles et de ses fruits est un peu le B.A.BA , c’est donc assez naturellement que la sorcière moderne a évolué en adéquation et parallèlement aux mouvements écologiques, bio, végan ou crueltyfree.
Pour celles et ceux qui pratiquent la wicca c’est même l’un des enseignements de base :
Bide within the Law you must, in perfect Love and perfect Trust.
Extrait du Rede wiccan
Live you must and let to live, fairly take and fairly give.
La sorcière moderne se doit d’avoir une vie saine et respectueuse de son environnement, mais ne se refuse pas les plaisirs de la vie, il paraît même qu’elle est gourmande et qu’elle partage beaucoup de recettes qui n’ont pas d’autre utilité que celle de se faire plaisir à soi et à ses proches.
La sorcière féministe
La sorcière moderne est féministe.
Elle a accepté son corps, sa féminité, son cycle menstruel. Son corps est un temple qu’elle apprend à découvrir ou redécouvrir, qu’elle écoute et qu’elle cultive.
Si certaines sorcières n’ont pas de dimension spirituelle, toutes ont en commun de revendiquer l’archétype de la sorcière comme identité féministe ou politique.
Bien que la sorcellerie ne soit pas l’apanage des femmes, son archétype féminin est ancré dans l’inconscient collectif, sans doute à cause de l’inquisition aussi appelée « chasse aux sorcières », de l’image de la guérisseuse, du fait qu’historiquement les femmes devaient prendre en main elles-mêmes et souvent secrètement leurs problèmes féminins (avortements, accouchements, cycles menstruels…), de l’image de la mère, nourricière et protectrice et de la femme tentatrice véhiculée par la symbolique chrétienne ou musulmane.
S’identifier comme sorcière en 2020 c’est accepter un héritage.
«La sorcellerie m’est souvent décrite comme une reconquête du “féminin divin”, en ce sens que les histoires et le pouvoir des femmes ont été occultés et supprimés pendant la majeure partie de l’histoire humaine.»
Frances F. Denny (photographe américaine)
Sorcière moderne : entre effet de mode et engagement
Si l’effet de mode est indéniable et la sorcière moderne totalement instagramable, elle n’en reste pas moins un mouvement libérateur, une force tranquille qui appelle à la sororité et à l’énergie féminine.
Evidemment la multiplication des mouvements et des pratiques provoquent son lot de frictions et de tensions.
Les membres plus traditionnels voient d’un mauvais œil les pratiques éclectiques qui ne demandent que peu ou pas d’investissement réel, les éclectiques considèrent que les plus traditionnels sont trop conservateurs et égoïstes de ne pas vouloir partager leurs enseignements, les plus modernes voient dans les plus anciens une bande de beatnik dépassés, d’autres ne rechercheraient dans la sorcellerie que le frisson et l’attrait malsain de la magie noire ou la possibilité de demander plus d’argent….
La sorcellerie est pour moi avant tout un voyage personnel, une initiation que l’on choisit, quelle qu’elle soit. La vie moderne, la géographie, notre cercle social font qu’il n’est pas toujours possible d’être initié par un convent. Alors, on se tourne naturellement vers une communauté virtuelle, on y puise l’énergie, l’engouement, l’enseignement et on y trouve sa voie, pas à pas.
Alors oui, certains se lanceront par effet de mode puis passeront à autre chose, d’autres auront l’impression d’arriver à la maison en trouvant ce qu’ils avaient toujours cherché sans le savoir, d’autres regarderont de loin, timidement sans jamais oser se lancer vraiment, allumant parfois une bougie en priant la Déesse en secret, d’autres répondent à un appel… mais l’essentiel au fond c’est surtout de se trouver soi.
Tremate, tremate, le streghe son tornate !
(Tremblez, tremblez, les sorcières sont de retour !)
Slogan des féministes italiennes dans les années 70