Les chroniques de MotherBrain épisode 5
Il est évidemment des étapes qui marquent plus que d’autres dans notre rôle de parent et l’entrée au collège de mon poulpe aîné fut l’une de ces étapes pour moi.
Je me revois encore déposer le dossier d’inscription, l’oeil humide, en repensant à cette petite chose visqueuse et bruyante qui avait fait irruption dans ma vie 11 ans plus tôt… Loin alors de me douter que la rentrée en 6ème de mon petit poulpe viendrait si vite …et avec elle le plaisir sadique de lui coller la honte devant ses copains avec moultes “mon poussin” et “vient faire un câlin à ta môman mon grand garçon”….

Mais avec l’entrée au collège et les débuts de la vraie autonomie marquée par les trajets en bus et l’emploi du temps changeant, se posait aussi la question à 100 balles à laquelle nous serons tous confrontés : téléphone portable ou pas téléphone portable ?
Pour répondre à cette question il faut être un minimum honnête avec soi-même : le fait que celui-ci ai un téléphone portable sur lui l’empêchera t-il de faire des bêtises, de se faire agresser, d’être en retard… ?
Sincèrement je pense que la réponse à ces questions est non. Le téléphone permettra juste de nous rassurer, de le joindre en cas de besoin ou inversement et de lui permettre de mieux s’intégrer aux nouveaux groupes sociaux qu’il devra affronter au collège. Car oui, le téléphone fait parti de la panoplie de base, au même titre que le jean de marque lorsque j’avais son âge.
Tout cela pour dire que nous avons finalement décidé de lui prendre un téléphone, autant pour notre bonne conscience que pour l’accompagner dans l’apprentissage des outils technologiques de notre époque.
Si au départ j’avais opté pour un téléphone basique appels + sms/mms et donc sans internet, ma velue moitié, après avoir épluché tous les comparatifs en bon geek, m’a finalement convaincue de prendre un smartphone, puisque de toute façon il n’existait plus d’abonnement sans forfait internet inclut et que nous n’avions pas spécialement envie de nous embêter avec des cartes prépayées à renouveler constamment.
Notre choix s’est porté sur un téléphone Samsung à moins de 100 euros, bon rapport qualité-prix et pas trop puissant.
En effet, inutile à mon avis de donner de la confiture à un cochon en achetant – même pour quelques euros – les derniers smartphones haut de gamme, bien trop puissants, fragiles et tentant pour le marché des smartphones volés…
Poulpe Junior a lui aussi participé en investissant son argent de poche dans une coque de protection et un protège-écran. Pour le forfait, le minimum de chez Sosh a fait l’affaire, et nous voilà donc arrivé en septembre 2016, avec mon poulpe fin prêt pour sa rentrée entre les chaussures neuves et le smartphone déjà personnalisé.
Et c’est là que les ennuis ont commencés…
Nous avons tout d’abord laissé poulpe junior seul face à la bête pour voir un peu comment il se comportait et quels allaient être les points sensibles à surveiller. #parentsfourbes
15 jours après, poulpe junior commença à se plaindre que son smartphone était franchement lent et que finalement ce téléphone devait être de la daube.
Une enquête s’imposait.
Bilan : Le pauvre téléphone était plein ras-la-mémoire d’applications aussi inutiles que suspectes, la plupart étant juste des parasites d’autres appli, de celles qui s’installent automatiquement et sans vous demander votre avis ou si peu que forcément pour un gnome de 11 ans cela passe crème. Passons rapidement sur les fonds d’écrans animés, les thèmes sons et lumières et les 250 jeux jamais ouverts… c’est simple, je pense que le smartphone était au bord de l’implosion.
Manifestement laisser un enfant seul face à l’apprentissage d’un smartphone n’est pas une bonne idée, pour ceux qui en doutaient encore, la plupart des instructions ou conseils donnés s’envolant dès l’instant où celui-ci découvre le play store et la navigation internet.
Une fois le téléphone reformaté, nous avons alors décidé d’y intégrer une application de contrôle parental.

Déjà, c’est la jungle avec toutes les applications qui existent, difficile d’avoir des infos sur tout et sur l’efficacité à long terme des plus connues.
Après avoir testé quelques démos gratuites, nous avons finalement opté pour F-SECURE MOBILE moyennant un abonnement de 2 €/mois, cette application permettant plus de flexibilités dans les choix entre ce que l’on souhaite bloquer ou non.
Certaines applications se montraient en effet bien trop restrictives à notre goût, ou peu flexibles, en mode “c’est tout ou rien”, genre l’enfant ne peut même pas enregistrer un nouveau contact. Idéal si l’on veut offrir un smartphone à un enfant de 5 ans… mais sérieusement qui fait ça ??!!
Les applications de contrôle parentale ne sont pas parfaites, loin de là comme vous pourrez le constater en lisant la suite, mais cela reste je pense un minimum à faire pour maintenir des limites et montrer que l’on s’implique aussi dans la vie numérique de son enfant.
La question se pose ensuite de savoir si vous voulez investir ou non, dans une application payante.
A mon sens, il n’est pas possible de créer un bon produit viable dans la durée sans un modèle économique stable qui, dans le cadre d’une application mobile, va passer soit par une appli payante soit par un système d’abonnement.
Du coup pour nous la question d’investir ne s’est pas vraiment posée mais plutôt celle du “combien je suis prêt à mettre par mois”. Une moyenne de 2 euros par mois nous semblait alors un bon compromis pour ce genre de produit.
Je peux comprendre que des parents hésitent à opter pour le contrôle parental, pensant qu’ils pourront gérer et contrôler en jetant un oeil de temps en temps, tout cela parce qu’ils ne veulent pas payer pour quelque chose d’efficace ou encore parce que cela les ennuient de devoir faire les réglages ou qu’ils ne maîtrisent pas.
Pourtant si on leur posait la question de savoir s’ils seraient prêt à payer plus cher un service pour assurer la sécurité de leur enfant dans la vie de tous les jours, à l’école ou dans la rue, je pense que la grande majorité répondrait oui, et il est regrettable qu’internet ne soit pas encore perçu par la majorité comme un univers “réel”, à part entière, dans lequel notre moi numérique vit, évolue, interagit et laisse des traces.
Pour en revenir à nos moutons, et après quelques tâtonnements et ajustements en fonction de ce que nous souhaitions – et des abus/erreurs ponctuels de poulpe junior – nous avons enfin trouvé un rythme de croisière entre restrictions et plaisir d’utilisation.
L’équilibre de la Force a été maintenue pendant un temps, avant que le côté sombre ne revienne titiller notre Junior….
Cela a d’abord pris la forme d’une notification facebook incongrue alors que j’étais au travail : Nom-complet-de-poulpe-junior vous invites à devenir amis sur facebook…
Forcément une explication de vive voix avec l’intéressé s’imposait puisque les réseaux sociaux n’étaient normalement pas accessibles depuis son smartphone et c’est ainsi que j’ai compris qu’il avait exploité une faille du contrôle parental via son blog.
En cliquant sur le lien hypertexte d’une publication d’un autre blogueur, avec lequel ils se suivaient mutuellement, et qui renvoyait sur facebook, Junior a alors pu, non seulement accéder au réseau social, mais en plus se créer un compte dans la foulée.
Que faire à ce stade ?
Plutôt que de punir et supprimer tout objet technologique pendant 6 mois j’ai préféré accompagner Junior dans sa découverte du réseau social, puisqu’il avait eu au moins le réflexe de m’inviter dans son cercle d’amis. (Comme quoi je me dis que parfois tout ce que je raconte à longueur de journée ne s’évapore pas totalement malgré le regard vide et bovin de ma progéniture, c’est déjà ça).
Nous avons donc établi ensemble quelques règles de conduite, changé son nom en un pseudo plus discret et convenu des personnes qu’il pouvait inviter dans son réseau d’amis.
Bilan quelques semaines plus tard : Facebook ne l’intéresse déjà plus et en dehors du fait d’avoir partagé quelques vidéos humoristiques ou publications de ses jeux préférés son interaction avec le réseau social en question se limite au néant total… pas plus mal.
Toujours est-il que nous avons malgré tout maintenu nos petites inspections aléatoires et régulières du téléphone après l’épisode de la faille bloguesque.
Las, c’est toujours lorsque l’on se croit à l’abri et que l’on se ramollit dans l’illusion que le pire vous tombe dessus.
L’apothéose de la trahison filiale eu lieu il y a de cela quelques semaines lorsque son téléphone fut confisqué avec ceux de ses camarades par le coach de son équipe sportive, lassé de voir tous ces rigolos le nez dans leur smartphone au lieu d’étudier le match de l’équipe adverse.
Pour titiller nos loustics et les troller un peu, voilà que le coach se met à trifouiller dans les historiques de navigation…
Passons sur les détails mais nous fûmes de ces parents qui eurent droit à un petit tête à tête avec le coach qui nous a remis en main propre le smartphone de Junior qui cherchait pendant ce temps désespérément du regard, le trou dans lequel ramper.

Au-delà des contenus douteux que poulpe Junior avait pu aller explorer – et qui furent l’objet d’un long tête à tête fort diplomatique et productif – la question se posait surtout de savoir COMMENT il avait bien pu y accéder ?
Il n’a pas fallu bien longtemps à l’incriminé pour cracher le morceau : il avait tout simplement créé un nouveau compte utilisateur, lequel était alors libre de tout contrôle et il lui suffisait de se reconnecter avec son compte de base avant de rentrer à la maison…
Là j’avoue être restée un moment à hésiter entre l’envie de l’étriper sur place et la petite part de moi qui ne pouvait s’empêcher d’être fière de son initiative, le tout dominé par une très grosse envie d’écrire un mail rageur aux concepteurs de l’application de contrôle parental qui permettait de recréer des comptes utilisateurs sans restriction.
A ce jour Poulpe Junior est toujours privé de smartphone, ce à quoi il survit très bien d’ailleurs, et nous avons même pu constater de sa part une recrudescence d’activités plus variées et épanouissantes depuis que l’objet du litige lui a été retiré.
Car force est de constater que ces engins démoniaques ont un pouvoir hypnotique hallucinant doublé d’une fascinante capacité à dissoudre tout esprit créatif… en dehors de celui de contrer les applications de contrôle parental évidemment.
Comme un drogué en manque, notre loustic a traîné sa misère et son ennui dans toute la maison pendant une bonne semaine avant de retrouver peu à peu les réflexes de s’occuper sans sa troisième main, ce qui m’a d’ailleurs amené à m’interroger sur la pertinence du « tout-tablette » que l’Education nationale souhaite mettre en place dans les écoles…
Nous hésitons encore entre ranger le smartphone en attendant plus de maturité et reprendre un téléphone basique ou conserver le smartphone et tenter de nouvelles applications de contrôle parental, car malgré ce premier échec je ne pense pas qu’il faille non plus opter pour l’autarcie totale.
Cette expérience nous a permis de constater que si Poulpe Junior était bien assez malin pour apprendre à utiliser son smartphone en 10 minutes, il n’était toutefois pas assez mature pour l’utiliser sans tomber rapidement dans l’excès, d’où la nécessité de veiller et de limiter un minimum avec un contrôle parental adapté.
Il ne sera jamais possible de tout contrôler ou de tout limiter, autant dans ce cas ne pas donner de smartphone à notre enfant et prier pour qu’il n’aille pas chercher tout seul ce qu’il n’a pas à la maison, mais leur donner un objet qui ouvre une porte sur le monde entier et ensuite détourner les yeux est tout aussi irresponsable.
Aussi, n’hésitez pas à faire part de vos retours sur votre expérience poulpe & smartphone ou encore sur les applications de contrôle parental que vous avez pu tester, parce que pour l’instant nous n’avons pas trouvé notre bonheur.
Il semblerait en effet que la majorité de ces applications soient pensées pour une utilisation ponctuelle, comprendre que vous ouvrez une session sécurisée pour votre enfant pour un temps limité, puis récupérez le smartphone ou la tablette, mais qu’aucune ne soit réellement adapté à une utilisation continue de l’appareil par l’enfant à protéger, surtout passé les 10 ans.
Une affaire à suivre donc …
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