Média : la face cachée du journalisme 2.0

Evénement immanquable de ce mois de novembre, les élections américaines ont eu cela de positif qu’elles ont mis en lumière la question épineuse de la liberté de la presse aujourd’hui dans le monde. Après la débâcle, très peu assumée, de cet événement politique international majeur, la presse n’a cessé de chercher des responsables à clouer au pilori de ce cuisant échec.

Aux dernières nouvelles Google et Facebook seraient dans l’oeil du cyclone pour ne pas avoir suffisamment censuré les propos radicaux et supprimé les “fausses news” et rumeurs diverses qui polluaient leurs réseaux. Alors même que cela ne choquait personne que ces géants du net œuvrent ouvertement pour l’autre candidat soit dit en passant… Mince alors ! La porte leur est revenu en pleine gueule !

Car manifestement, pour la presse mondiale, l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche ne peut être qu’une erreur, un raté, imputable à un facteur encore indéterminé ou indéterminable, mais certainement pas à la volonté des électeurs américains. De là à déduire de ces brillantes analyses journalistiques que les électeurs seraient trop stupides pour savoir ce qu’ils font, il n’y a qu’un pas à franchir…

Pas qui nous amène à la dangereuse question de la liberté de la presse qui semble n’avoir aujourd’hui aucun problème à étaler ses préférences politiques ou économiques afin d’influencer les citoyens, au risque de dépasser, voir d’ignorer, leur précieux rôle d’informateur et d’arbitre.

Quelle marge de manœuvre ont aujourd’hui les organismes de presse et les journalistes, coincés entre soucis de rentabilité, modèle économique et neutralité de l’information ?

Si il semble difficile de pouvoir apporter des réponses évidentes et des solutions magiques, nous pouvons toutefois nous féliciter que certains journalistes et/ou blogueurs s’y intéressent et osent appuyer là où ça fait mal.

Hervé Monier, blogueur reconnu dans son domaine et Directeur de la Communication pour le groupe SOFAXIS (Assurances), n’a pas hésité à faire une analyse acerbe des médias dans un article de son blog que je vous recommande chaudement traitant de l’élection américaine, et dont en voici un petit extrait pour donner le ton :

Les (mauvaises) habitudes sont tellement ancrées, les rentes de situation tellement installées, les consanguinités si fréquentes et la propension de chacun à tout oublier si forte (souvenons-nous des leçons non tirées du Brexit, par exemple) que je reste plutôt sceptique quant à une amélioration rapide du traitement de l’information et aux vertus d’une quelconque auto-discipline journalistique.

Mais au-delà de cette intelligentsia médiatique un peu trop imbue d’elle-même se pose la délicate question de l’indépendance de le presse face aux diktats économiques que n’importe quelle entreprise peut connaître.

Ce problème du modèle économique fort et indépendant et fort justement abordé par Eric Fottorino, ancien directeur de la rédaction du Monde et président du directoire du groupe La Vie-Le Monde, dans une interview récente pour latribune.fr, dans laquelle il n’hésite pas à dire que la principale faiblesse de la presse, notamment en France, est sa faiblesse économique. Pour lui, sans indépendance financière il ne peut y avoir d’indépendance éditoriale, car le journal est alors à la merci des pressions politiques, économiques ou sociales.

Idée largement reprise par Hervé Monier toujours et par Laurent Mauduit, journaliste et cofondateur de Mediapart, dans son livre « Main basse sur l’information » dans un article-interview de The Brand News Blog.

Si beaucoup ont cru trouver sur internet un espace de liberté, il suffit de se pencher aujourd’hui sur la presse en ligne pour comprendre qu’à défaut de modèle économique stable et indépendant, celle-ci est autant la proie des pressions extérieures que la presse papier traditionnelle. Sponsors et publicitaires s’étant ingérés peu à peu dans la ligne éditoriale de tous les sites dépendant des revenus publicitaires pour ne citer qu’eux.

Tous ces éléments ont conduit a une érosion lente mais inéluctable de la confiance des lecteurs dans leurs organes de presse. Sur tous les sujets, qu’ils soient politiques ou sur le jeu vidéo et sur tous les supports, papier ou numérique…

Quoi de plus normal du coup que les blogs aient conquis peu à peu leur part de marché ou qu’aujourd’hui ce soient les réseaux sociaux sous toutes leurs formes qui dominent la vague de l’information, avec ce que cela implique de pensées complotistes, de fausses informations, de rumeurs et de méchanceté gratuite.

Plutôt que de pointer du doigt les sites de buzz, fake ou les réseaux sociaux comme étant responsables de tel ou tel événement politique, économique ou social, les médias devraient plutôt se poser la question du pourquoi les lecteurs préfèrent aller chercher l’information ailleurs au risque que celle-ci soit fausse ou invérifiée…

Pour conclure, je vous invites également à lire un article intéressant du site The Verge au sujet du concept de « filter bubble » alias « bulle de filtrage » si l’on traduit littéralement, soit l’idée que les outils de personnalisation d’entreprises comme Facebook et Google nous ont isolés des points de vue opposés, conduisant [pour l’élection américaine par exemple] les conservateurs et les libéraux à croire qu’ils occupaient des réalités distinctes.

Une mise en perspective non négligeable…

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