Sad Monkey ou l’hacktivisme pour débutant

Dis moi qui tu “hackes” et je te dirais qui tu es…

Pour ceux qui ont suivi mes péripéties lors de la Connect E-Cut 2016, vous avez fait connaissance avec l’univers des web séries en général et avec IO en particulier.

Cette web série axée sur le thème plutôt en vogue de l’univers des hackers avec en plus une pointe de fantastique, nous présente un personnage ambigu, alias Sad Monkey, qui incarne le nouveau héros des temps modernes, ou plutôt son anti-héros, le rôle du héros semblant pour le coup destiné au protagoniste nommé MOI (il y a forcément un message caché ici…).

Alors que les experts et journalistes s’interrogent encore sur les retombées sociétales et politiques de la révolution numérique qui s’est amorcée depuis quelques années, considérant souvent la population de manière générale comme complètement larguée face aux enjeux du futur, il est intéressant de constater que le marché de la fiction s’est quant à lui d’ores et déjà accaparé l’iconographie du héros moderne, alias le Geek présentable.

Au travers des séries comme Person of Interest, Mr.Robot ou même avec un contenu mainstream comme les Experts : Cyber, Hollywood a bien compris que les combats et révolutions du futur ne se feraient plus uniquement par les armes traditionnelles et que le numérique incarnait à lui seul, et de manière totalement inconsciente, à la fois le Grand Méchant et le Nouveau Pouvoir de demain dans l’imagerie populaire.

Reproduisant alors le schéma habituel, et increvable il faut bien le dire, de David et Goliath ( le Petit face au Puissant), les séries TV se sont emparées de l’univers informatique pour en réécrire les codes du genre et donner aux individus l’impression d’en maîtriser les arcanes.

Là où le personnage de Sad Monkey créé par Imad Hatem sort un peu du lot, c’est par son utilisation particulière et totalement désincarnée.

Sad Monkey – ses étranges pouvoirs mis à part – c’est à la fois tout le monde et personne.

C’est une icône, un symbole, comme le V de V pour Vendetta et son masque de Guy Fawkes, intelligemment repris par le groupuscule des Anonymous.

Débarrassé des “préoccupations mortelles” voir morales, Sad Monkey peut alors incarner une idée, un message, un manifeste. Il devient l’image de son combat, rendant ainsi son personnage beaucoup moins manichéen et beaucoup plus viral.

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Le choix de tout filmer en vue « à la première personne » incarnant alors autant vous et moi, qu’un personnage imaginaire, nous rendant témoin et nous invitant à l’action.

Et c’est là que l’utilisation du transmédia peut prendre toute sa dimension. Avec la création de comptes sur les réseaux sociaux, d’un jeu interactif qui vous met dans la peau d’un membre de la Monkey Society en vous demandant de hacker des banques d’affaires, de grands journaux ou encore des instances gouvernementales, IO se transpose dans notre réalité et nous rend acteur de sa révolution.

Certes le modèle n’est pas nouveau, mais il a pour lui de chercher à exploiter à fond le potentiel “marketing” de son icône en utilisant les armes modernes.

En terme de comparaison, et comme l’explique très bien Imad Hatem, si l’idée même d’avoir sa tronche placardée sur des tee-shirts vendus en masse et beaucoup trop chers aurait sans doute traumatisé Che Guevara himself, le fait d’être popularisé en icône révolutionnaire auprès de chaque nouvelle génération depuis bientôt 40 ans aura permis à un certain message de perdurer et à certains adolescents de s’intéresser véritablement à l’homme derrière le symbole, entretenant alors la graine de la rébellion.

C’est cette démarche iconique et marketing derrière la web série que je trouve fascinante, puisqu’elle débouche au final, et pour ceux qui auraient la volonté d’aller au bout de l’expérience interactive, sur un véritable manifeste social et politique, et accessoirement une énigme à déchiffrer…

Alors oui, le message est plutôt lyophilisé et manque d’engagement. On touche plus à un discours humaniste naïf qu’aux cyber-activistes contemporains, c’est suffisamment passe-partout pour plaire et titiller sans offenser ou risquer une étiquette plus … explosive.

Mais la volonté est là et trouvera peut-être au fur et à mesure du développement de son histoire, une prise de risque et un engagement plus profond qui manque encore à la Monkey Society pour devenir crédible et dépasser le simple concept du divertissement et du marketing.

A voir également si le public pourra un jour s’approprier Sad Monkey et les outils mis à disposition par son créateur – à mon goût sous-exploités (chaîne youtube, compte twitter, blog de fans…) – pour en développer l’impact et l’utiliser comme le symbole d’un autre contre-courant idéologique, ne répondant pas forcément aux critères sans doute plus radicaux des réseaux de cyber-activistes existants, mais tendant vers les mêmes idéaux.

Utiliser le divertissement et les supports médias pour développer l’esprit critique et offrir une autre perception des choses est sans doute la version moderne de ce qu’incarnaient les pamphlets, le théâtre ou le carnaval à d’autres époques. Un message dans le message qui grossi le trait et permet une vision plus acerbe des choses.

Contrairement au cinéma et aux séries TV qui, si ils se permettent parfois une critique de l’ordre établi ou de la propagande institutionnelle, la noient bien vite sous un flot de clichés notoires afin de ne pas trop perturber le spectateur (du genre c’est le personnage affiché rebelle qui l’a dit, jamais le héros, ou encore c’est seulement une personne ou un groupuscule au sein du gouvernement qui incarne le méchant), l’univers des web séries a encore cela d’intéressant c’est qu’il n’est pas obligé de siffler ce qu’on lui dit de chanter, devenant alors un excellent support potentiel à la contre-culture et aux messages non politiquement corrects. Rafraîchissant…

Retrouvez la web série complète sur la chaîne d’Iconaut Studios.

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